• Réflexions sur la liberté d’expression

    Texte de Jean l’Amandier

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    Dans ses différents spectacles M'bala M'bala, dit Dieudonné, a fait de ses nombreux shows postures et gestes un véritable signe de ralliement, un symbole de contestation et de mépris pour Israël, l’emblème gestuel d’un anti sionisme devenu notoire qu’il a habilement habillé d’un geste anti-système. 

    Face à ses diatribes contre le judaïsme et l’emblème gestuel moralement condamnable nous sommes face aux postures des politiques et à l’emballement des médias, misant pour les uns sur la tyrannie des règles, codifiant pour les autres ce qu’il convient de dire ou de penser.

    La Victoire à la Pyrrhus du pouvoir peut avoir pour effet d’exacerber les haines que le gouvernement entend dénoncer, les effets peuvent être dévastateurs et susciter des oppositions graves et troubler demain l’ordre public en regard des crispations provoquées résultant des frustrations générées.

    Ce n’est en réalité pas la victoire du droit contre l’antisémitisme mais celle du politique influée par la puissance du mégaphone médiatique. De fait, il fallait alors imposer le silence à la propagande idéologique ; mais il est à redouter demain que « plus rien ne pourrait se dire ou penser » sans l’aval des médias et du politiquement correct… !

    Soyons clair : je n’approuve ni les diatribes anti-Israël ni le geste de la quenelle qui prolonge le cynisme de la mise en scène sulfureuse. De fait nous contestons sans détours les discours sous-entendus, la gestuelle  dans sa symbolique obscure, putride et tyrannique, comme tout ce qui pourrait évoquer à travers tout symbole gestuel comme des paroles de près ou de loin la  barbarie, les postures négationnistes de ceux souhaitant la destruction génocidaire d’Israël.   

    Les gestes fétides et symboliques anti religion ne sauraient être dissociés

    En revanche comme ne le fera pas la bien pensance-médiatique, nous rapprocherons les mises en scène sulfureuses de l’attitude tyrannique des Femen : parfois, en lettres gothiques sur leurs poitrines, ou brandissant le bras, les Femen affichent également leur haine contre la religion chrétienne. Il n’y a pas la moindre équivoque sur certaines calligraphies et messages qui lui sont adressés explicitement.

    Ceci étant écrit, si l'on condamne les propos de M'bala M'bala, dit Dieudonné, comme l’usage de symbole vil de pyromane déplacé et putride, il convient également et au nom des mêmes principes juridiques de dénoncer l'outrancière attitude nauséabonde des Femen, les gestuelles anti-chrétiennes, comme tout acte anti-musulman. Mais encore une fois, c’est à la justice d’intervenir et de dire ce qui relève ou non de la libre expression ou non. Depuis l'arrêt Benjamin, rendu par le Conseil d'État en 1933, le principe semble tout à fait clair : "La liberté est la règle, la restriction de police l'exception."

    Notre billet n'a dés lors d'autre but ici que de montrer une pensée idéologique à géométrie variable, des postures sans l’esprit d’équité des pouvoirs publics qui dénonçant une attitude, évitent bien de le faire pour des propos, des  gestes et des spectacles tout aussi infamant : souvenons-nous de Golgotá Picnic, lecture provocante des Evangiles, une scène de crucifixion trash, un Jésus traité de « putain de diable ». Ce spectacle n’affichait-t-il pas implicitement une forme de haine anti-chrétienne ?

    Or à travers les prises de paroles des principaux représentants des pouvoirs publics, nous faisons face à une dérive qui nous impose d'y réfléchir.

    Soyons clairs, nous condamnons tout acte antisémite, mais de la même manière et désolé de les mettre sur le même plan, nous condamnons tout acte anti-chrétien ou anti-musulman.

    Nonobstant, nous restons persuadés que c'est à la justice de poursuivre. On s'offusque, on se scandalise des propos antisémites et du geste de  M'bala M'bala à raison mais on se moque bien du « Happening » des Femen (on remarquera le terme bobo !). Or pour nous, ces deux gestes relèvent d'une problématique commune : La haine. La haine de la religion, la haine des Juifs, la haine des chrétiens, la haine des musulmans. Ces propos comme ces gestes inquiétants - quenelle et provocations des Femen - se veulent intimidants et sont des menaces à la liberté des pratiques religieuses.

    Montesquieu où es-tu ?

    Le problème, tant de l’attitude de M'bala M'bala, dit Dieudonné que de l’attitude des Femen, c'était une forme d’immobilisme ou à regret une lenteur administrative de la justice, d’absence d’une intervention réactive du parquet.

    Le long silence judiciaire a alors laissé place aux interventions successives et indignées des représentants de l’Etat puis à l’urgence et à la précipitation de la décision du Conseil d’Etat pour interdire finalement le spectacle. Il était et il est juste de trouver ces interventions citoyennes légitimes, nonobstant nous les jugeons peu appropriées. Ce qui est en effet inquiétant dans ces prises de paroles inopinées, c’est le passage d'un état de droit à un état arbitraire. Il semble en effet que pour un oui ou pour un  non une habitude soit prise en France : les pouvoirs publics réagissent souvent dans l’urgence et après coup aux événements, puis codifient ensuite sous la pression du mégaphone médiatique de manière à contraindre davantage les libertés ou la liberté d’expression, ce qui sera probablement le cas avec cette volonté de l’Etat d’imposer son idéologie sociétale.

    Notre propos est ici d’encourager le débat des idées et la seule application des textes de droit, de la jurisprudence tels qu'ils existent. La séparation des pouvoirs doit être le principe comme Aristote et Montesquieu le définissaient et le rappelle l’article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 "Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution."

    Nous n’encourageons pas le renforcement de « l'arsenal » punitif.  Le terme arsenal est un terme somme tout extrême : étymologiquement il signifie armement militaire, terme révélateur pour qui entend penser la dimension sémantique. Ainsi nous ne sommes plus dans le dessein d’un pouvoir juste mais dans une lutte plus profonde, un combat « militaire », un combat de personnes et d'idéologies.

    Si la volonté était d’imposer une nouvelle loi pour encadrer les paroles permises et celles qui ne le sont pas, les gestes permis et ceux qui ne le seraient pas, il n'y aurait alors qu'un pas pour l'Etat de venir dénoncer tout ce qui aurait selon lui un caractère dissident : les paroles de protestation, les rassemblements pacifiques,  comme celles par exemple des veilleurs et des sentinelles…

    Oui, pour pousser l'analyse, nous pourrions évoquer un Etat aux abois qui s'enlise dans une forme d'expression « d’avancée  liberticide » contre la liberté d'expression. Pour autant, nous ne défendons ni les propos, ni les gestes en les banalisant quand on connait les pitreries fétides, nazies affichées au cours des « spectacles » ; mais c’est au droit de dire si les spectacles relèvent de ce qui est autorisé ou non et non à un homme d’Etat, ministre de surcroît, d’en faire une affaire personnelle oubliant le principe de séparation des pouvoirs.

    Selon un très haut magistrat, ancien Avocat Général, une problématique juridique est relevée, que je vous partage et qui nous oblige tous à réfléchir... Je veux ici citer Philippe Bilger ancien Haut Magistrat dont on ne peut contester le sérieux et l'indépendance en termes de pensée...

    " L'axe central du raisonnement suivi par le juge des référés Bernard Stirn, en rupture par rapport à la jurisprudence classique, est extrêmement préoccupant pour les libertés publiques et les spectacles de toutes sortes puisque s'attachant au contenu présumé de la représentation, il valide ainsi, pour ce qu'il qualifie ici ou là d'atteintes à la dignité humaine, l'interdiction administrative en s'opposant frontalement à l'état de droit qui relève, qualifie et poursuit après... " [1]

    Le risque d’une société devenu système de pensée et qui entend codifier la libre conscience

    L'autre problème c'est l'aspect contre-productif associé à l'intervention du gouvernement, en condamnant M'bala M'bala, nous générons un risque encore plus grand. Le risque est en effet de propager, de diffuser à plus grande échelle le geste, d’obtenir un effet démultiplicateur des protestations.

    Très inquiétant est la forme  d’une pensée partagée entre le politique et les médias, cette incapacité à peser ses jugements, à faire référence aux valeurs tout simplement de respect de l'autre de façon juste. Sont évoqués des pseudo-valeurs laïques de la république mais sans jamais faire référence à la morale, celle d'appeler l'homme au respect de l'autre dans la différence qu'il peut incarner.

    Ne proposons pas d’empiler une nouvelle fois des lois, de codifier ou réorienter, rajuster les textes judiciaires pour dire la juste attitude. Comme nous l’avons déjà écrit précédemment,  nous inviterions alors la loi à devenir tyrannique en la réorientant. (Nous vous renvoyons à la lecture de La ferme des animaux de Georges ORWELL l’auteur du fameux livre 1984).

    Quelle caisse de résonance toute cette agitation et sans doute la nôtre pour l'amuseur public ! C'est lui donner, que disons-nous, c'est lui offrir une véritable vitrine pour davantage hurler et attirer l'attention des médias sur lui et le transformer en victime et martyr de la libre pensée.... Nous le répétons cependant que ses paroles caricaturales, outrancières, ne sont pas anodines, que le symbole associé est parfaitement connu et ne se réduit pas contrairement à ce qu’il affirme au symbole de l'anti-système. 

    Toute cette agitation médiatique nous interroge sur le pouvoir de manipulation qui peut être engagée, sur cette capacité des pouvoirs publics et du cinquième pouvoir (les médias) à influer l'opinion, à nous culpabiliser si nous n'adhérons pas au LA de sa pensée... Nous voyons bien cette volonté idéologique de nous conduire à renoncer à l'identité à laquelle nous pouvons légitimement prétendre. Ainsi les étrangers peuvent, au nom du multiculturalisme, revendiquer leur identité, tandis que nous les « français de souche », il serait inconvenant de le faire. Devrions-nous comme l’indique Alain Finkielkraut succomber à la « tentation pénitentielle » sous prétexte que nous aurions mauvaise conscience en raison de notre histoire, de notre passé, de notre culture ?

    On veut ainsi nous imposer le multiculturalisme, nous obliger à adhérer à l'accomplissement d’un rêve, la France égalitariste, et on nous empêche aujourd'hui de contester les choix idéologiques d'une société à la dérive. Nous condamnons explicitement les propos contre le Judaïsme, les gestes tendancieux, équivoques dont l'auteur ne se cache pas qu’il est ouvertement anti-juif. Mais nous ne réagirons pas de manière favorable au déversement des diatribes médiatiques quand celles-ci négligent de dénoncer celles qui devraient également concerner les Femen. Tout ce qui est de nature à afficher une offense en raison de croyances est à notre sens condamnable, nul ne devrait en soi graduer ou minimiser l’importance.

    C’est sur le terrain des idées que le combat des idéologies nauséabondes doit être mené et non leur interdiction.

    Il fallait banaliser, marginaliser, combattre la toxicité des turpitudes « humoristiques ». Eradiquer une idéologie nécessite de la pédagogie, l’interdire peut aggraver en revanche sa diffusion.

    Or le risque par l’agitation que suscite cette médiatisation outrancière  et les décisions découlant de l’arrêté du Conseil d’Etat est de consacrer M’bala M’bala en pop star martyr.

    L'interdiction peut être perverse et conduire à des manifestations brutales, néfastes et réveiller les contestations les plus obscures ! Aussi condamnant explicitement les comportements ant sémites c'est sur le terrain des idées que  nous devons nous employer à convaincre puis à marginaliser.

    Demain, pour ceux qui n’ont pas une philosophie sociétale conforme, le risque est d'être condamné. Beaucoup dénoncent l’idéologie issue des études du genre,  qu’en sera-t-il demain pour ceux qui s’emploieront à avertir les familles et ceux qui décideront de boycotter les cours d’éducation sexuelle.  

    Je plaide pour que les idéologies soient combattues sur le terrain des idées et non par le recours de la loi coercitive qui nous impose le LA de la pensée médiatique. Ce sont les médias qui ont soufflé sur la braise ; la justice est restée silencieuse.

    Les idées, on les combat sur le terrain des idées ou du droit pour les propos négationnistes. Il est extrêmement dangereux que les institutions judiciaires fonctionnent dans l’urgence sous la pression du politique, pire sous la pression des média... Montesquieu où es-tu ? Que va-t-on produire une contestation qui sera sans doute hors du champ traditionnel et des clivages habituels droite et gauche ! Une France qui rejette un système qui broie la libre conscience. C'est évidemment extrêmement grave !

    Une dictature naît toujours dans des contextes d’ignorance et d’incapacité à penser la société

    Comme vous l’avez compris, nous contestons sans équivoque les propos et les gestes anti-religieux, anti- identitaires en regard de ceux qui se risqueront à mimer la posture introduite par le "comique". Nous voyons parfois des jeunes reprendre le geste de la quenelle, la pratiquer de façon militante en guise de protestation, de provocation. D’autres le font par pure révolte contre un système qui broie aujourd'hui les libertés, ce en dépit d'un symbole bien plus que douteux et rappelant les heures les plus brunes de l'histoire de notre monde !

    Nous vous vous invitons à lire le livre de Georges ORWELL, La ferme des animaux qui décrit bien les contextes d’une société que nous vivons aujourd’hui, l’une des meilleures fables politiques jamais écrite. Nous pourrions écrire pour plagier l’auteur « Tous les animaux sont libres, mais certains le sont moins que d’autres ».

    Pour conclure, nous citerons à nouveau cette pensée : « La dictature  s'épanouit sur le terreau de l'ignorance » et nous ajouterons  : en l’absence de toute conscience morale, si l’intervention arbitraire est en dehors de la légitimité de la loi et devient le seul substitut pour imposer ses codes, nous serions alors confrontés à une véritable dérive pouvant nous conduire au despotisme.


    [1] Pour lire l’article de Philippe Bilger  http://www.philippebilger.com/

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  • Commentaires

    1
    Nicodème
    Jeudi 23 Janvier 2014 à 20:48

    Merci pour cette réflexion profonde et ajustée §

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