• Être ou ne pas être Charlie ?

    Être ou ne pas être Charlie ?Un texte co-écrit par Nicodème et Jean l'Amandier

    Cette année commence dans un moment anxiogène, d'inquiétude et de désarroi.

    Les partis, les médias, les associations en appellent à l'unité nationale et pourtant, cette unité nous paraît construite sur l'émotion, une émotion qui ne devrait pas en rester à un ressenti sans racines. Il nous appartient demain de réfléchir ensemble au mal qui a touché toute la société, ce mal enfanté certes par l'idéologie barbare qui a pris ses racines dans l'obscurantisme d'une fausse religiosité mais qui a également pris sa source parce que notre société a évacué la transcendance, s'est inscrit dans la matérialité, la désacralisation de la société, le consumérisme comme religion de l'immédiat, le laïcisme comme si on réglait d'un coup tous les problèmes de tolérance en confinant les croyants à leurs sphères privées...

    Mais l'heure n'est pas d'amalgamer la religion des amis musulmans et le mal qui les touche aussi, comme ce même mal a touché l'histoire de notre pays dont l'inquisition a été une sinistre figure du totalitarisme d'état (cela ne l'oublions pas).

    Cette unité de foule Place de République relève aujourd'hui plus d'un processus de mimétisme, de l'uniformité exigée que de la véritable unité qui suppose l'acceptation réelle de la différence, l'acception de nos différences dans toutes nos composantes de pensées, de croyances, de convictions spirituelles ou non. Vivre ensemble un monde commun, un monde de prochains non répliqués, non uniformisés. Une communauté de prochains partageant une destinée commune, refusant l'invective, refusant la stigmatisation de l'autre.

    La compassion avec les victimes (policiers, agents de maintenance, citoyens juifs, dessinateurs, journalistes, personnes connues ou anonymes), est de rigueur en ce jour de rassemblement. Un ami parlait de journée qui devrait s'inscrire dans une forme de pudeur, je suis d'accord avec lui, l'heure n'est sans doute pas à la polémique... Mais nous n'occulterons pas le libre débat pour chercher les pistes qui éradiquent le mal, ce mal qui est l'expression du rejet de l'autre en le menaçant, en l'excluant et en faisant peser sur lui la mort... Appelons un chat, un chat...

    Mais aujourd'hui je n'ai pas non plus envie d'"être Charlie", parce que compatir ne veut pas dire se confondre dans un moule par identification. Je n'ai pas envie d'"être" quelqu'un d'autre ; je ne suis pas mon autre, surtout quand celui ci fait de l'"injure" (in-juris, "non droit" étymologiquement) son credo. En même temps, je veux bien être proche de mon autre, parce qu'il est en souffrance, et même si cet autre est celui qui insulte la foi ou ma propre foi.

    Je veux bien être avec Charlie, mais je ne suis pas Charlie. Je suis auprès des musulmans qui se font insulter ; je ne cautionne pas ceux qui commettent l'irréparable. Je prie pour eux.

    je prie pour que notre pays retrouve la paix à partir d'un désir d'un peu plus d'authenticité et de maturité ; ce qui commence par le fait de comprendre qu'être libre, ce n'est pas faire n'importe quoi ; c'est aussi faire ce que l'on doit ; et cela commence avec le respect d'autrui.

    Un respect authentique, pas de façade. Pas cette pseudo-tolérance qui se confond souvent avec l'indifférence. Un respect par lequel, même si je ne comprends pas ni ne partage la posture de l'autre ou bien ses convictions, qui fait que j'accepte depuis le fond de mon être qu'il soit ce qu'il soit. C'est sur la base d'un tel respect, vraiment cordial, c'est-à-dire qui vient du cœur, qu'il y aura acceptation de l'autre et que l'on pourra construire une véritable union républicaine, que l'on pourra commencer à réparer le pays.

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  • Commentaires

    1
    Bernard
    Dimanche 11 Janvier 2015 à 20:22



    Merci pour cette belle analyse.


    Passée l’émotion de ces jours où beaucoup auront soudainement choisi l’unité comme pour conjurer un mauvais sort, combien retiendront la leçon de la fraternité universelle ?


    Combien des petits ou grands responsables de ce pays, ou d’autres, qui se seront exprimés lors des rassemblements, en marge du simple recueillement silencieux qui aurait peut-être été tout aussi éloquent, se remettront en question ?  


    Les simples citoyens que nous sommes changeront-ils le regard porté sur leurs frères dont la différence sociale, culturelle ou spirituelle n’est pas une frontière mais une richesse ?

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