• De la lettre à l’esprit de la « Charte de la laïcité à l’école »

    Guide de présentation de la « Charte de la laïcité à l’école » aux élèves de lycées

    Proposition faite par les « Eveilleurs de consciences » : de la lettre à l’esprit de la Charte.


    Avant-propos des commentateurs de la Charte :

    Il est demandé à des enseignants de présenter la « Charte de la laïcité » aux élèves ainsi que de porter cette Charte à la connaissance des parents d’élèves (cf. l’article 10 de ladite Charte ci-dessous).

    Certains pourront-être tiraillés entre leur devoir d’état (en tant que fonctionnaires, ils doivent accomplir un ordre de mission) et leur conscience, pressentant la lecture laïciste radicale vers laquelle le texte du Ministre peut nous emmener.

    Sans se faire d’illusion sur l’évolution du cours des choses et sur l’esprit du temps qui, à mesure que nous avançons, semble laisser planer de sérieuses menaces sur la liberté d’opiner et de croire, il est possible de montrer, à partir du texte du Ministre de l’Education Nationale, qu’une vision laïque radicale de la société est tout simplement une hérésie républicaine et qu’elle s’autodétruit. Ainsi mettons nous en avant les racines institutionnelles auxquelles ce texte fait forcément référence ; nous y ajoutons des commentaires qui montrent que l’on peut avoir une lecture républicaine de ce texte. Nous montrerons alors comment une lecture laïque sectaire n’est tout simplement pas recevable.

    C’est ce que nous vous proposons de regarder en détail maintenant.

    La « Charte de la laïcité à l’école » est composée de  15 articles :

    Nous les retranscrivons dans leur intégralité, en italique, ci-dessous (en bousculant parfois leur ordre en fonction du commentaire que nous en faisons). Nous laissons en gras ce que le rédacteur de la charte a ainsi voulu présenter.

    ***

    Article 1 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, sur l’ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances. »

    Cet article fait référence, presque mot pour mot, à l’article 1 de la Constitution française de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale (…) elle respecte toutes les croyances ».

    La dernière phrase de l’article 1 est essentielle : la charte de la laïcité ne peut pas être un texte antireligieux. Si tel était le cas, il y aurait auto-contradiction et la charte serait ipso facto caduque.

    ***

    Article 2 : « La République laïque organise la séparation des religions et de l’Etat. L’Etat est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’Etat. »

    Cet article rappelle la Loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 qui stipule que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. »

    La neutralité veut dire que l’Etat ne peut être ni religieux ni antireligieux. Aucune religion d’Etat n’est de mise, pas plus qu’un athéisme d’Etat, sinon, l’article 3 de la présente charte s’effondre aussi.

    Précisons : non seulement l’Etat ne peut être antireligieux, mais il est tenu de protéger (« garantir » dit l’article 1 de laloi de séparation de 1905) l’expression religieuse. Si une  manifestation religieuse a lieu (une procession par exemple), dans la mesure où elle a au préalable été déclarée, et dans la mesure où elle ne porte pas atteinte à l’ordre publique (pressions, provocations, etc.), l’Etat est tenu d’en garantir le bon déroulement et de protéger les fidèles envers d’éventuels contrevenants.

    Enfin, si « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ( …) pourront être [toutefois] inscrites aux budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que  lycées, collèges, écoles, auspices, asiles et prisons (article 2 de la loi de séparation de 1905).»

    La Charte de M.Peillon s’inspire de la loi de 1905 qui est une loi équilibrée : elle dit tout autant la neutralité de l’Etat que le devoir de celui-ci de laisser subsister (c’est-à-dire s’exprimer pleinement et non pas survivre) les traditions religieuses plurielles.

    L’article 3 de la charte de la laïcité semble aussi aller dans ce sens.

    ***

    Article 3 : « La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression de ses convictions, dans le respect de celles d’autrui et dans les limites de l’ordre public. »

    La laïcité ne peut être un commandement de ne pas croire. Une telle profession d’athéisme serait, dans l’esprit, totalitaire pour deux raisons : d’abord parce qu’il y aurait l’intention de maîtriser jusqu’à l’intimité de la conscience ; ensuite parce que, dans un athéisme d’Etat (contrairement à une théocratie ou à une dictature religieuse), la Justice, c’est l’Etat. L’emprise sur les justiciables serait potentiellement totale, absolue.

    Heureusement, l’article 3 de la présente charte permet de garantir une approche intelligente de la laïcité ; il est dans l’héritage de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui stipule que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

    ***

    Article 4 : « La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général. »

    Comment un pays, qui n’est certes plus religieux dans ses instituions et dont la devise est « liberté, égalité, fraternité » pourrait-il renier ses racines et son héritage religieux et, en particulier, chrétien ?

    Si les deux premiers termes peuvent encore laisser quelques doutes (dans la mesure où l’on voudrait y voir un fondement exclusivement rationaliste de la République), le troisième terme (« fraternité ») est quant à lui sans ambigüité : nous ne pouvons être frères que si nous sommes fils d’un même Père. Si l’on argue du fait que l’expression est ici métaphorique, on pourrait répondre que le communisme, qui professe un athéisme politique, ne s’y est pas trompé, dans la mesure où il a bien pris soin de ne pas reprendre ce vocable en nommant « camarade » ou « ami » le partisan du régime et non pas « frère ».

    L’article 4 de la présente charte ne peut, sans auto-contradiction, se faire le promoteur d’une culture antireligieuse. Si l’Etat ne peut ni ne doit (en vertu de la loi de 1905) favoriser aucune religion, il est tout à fait sain, à l’inverse, qu’il se mette à l’écoute des différentes communautés et traditions religieuses, entre autres, lorsque des débats ont lieu et qu’il faut légiférer. La République ne saurait rejeter aucun de ses enfants ! Bien sûr, il est nécessaire que, dans les débats, les choses soient discutées selon le processus démocratique normal et que la finalité et le moyen ne sera pas de favoriser une croyance par rapport à une autre.

    ***

    Article 5 : « La République assure dans les établissements scolaires le respect de chacun de ces principes. »

    Nous mettons cet article en lien avec l’article 8 qui dit que « La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’Ecole comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. »

    Les principes de la République s’appliquent bien évidemment au sein de l’Ecole de la République, y compris au sein des établissements privés sous contrat. Ces derniers, si la charte est appliquée et respectée, devraient ne pas se sentir menacés dans la mesure où la liberté d’expression et le pluralisme des convictions est ici protégé.

    Nous sommes alors dans la droite ligne de l’article 11 de la DDHC de 1789 où il est dit que : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

    ***

    Article 6 : « La laïcité de l'Ecole offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l'apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcherait de faire leurs propres choix. »

    C'est dans cet article que l'on sent une laïcité plus « protectionniste », qui veut protéger l'élève des assauts possibles du prosélyte religieux. Ce n'est pas que de telles situations n'ont jamais eu lieu ou qu’elles ne peuvent avoir lieu. Cependant, une suspicion lourde plane sur le fait d’avoir une appartenance religieuse.

    Ce fait est remarquable surtout depuis deux décennies en France, si bien que la République a du  mal à envisager la question de la laïcité de façon apaisée. Les premiers symptômes sont apparus en septembre 1989 avec l'affaire des foulards de Creil en région parisienne, quand le Proviseur d'un lycée de cette ville a refusé de laisser rentrer des jeunes filles voilées pour suivre les cours. L'affaire est remontée au Ministère de l'Education Nationale et a fait la « une » des journaux. Le Conseil d'Etat a été saisi en vue de donner raison au Proviseur. Le problème est que dans l'avis du 27 Novembre 1989, le Conseil d'Etat a rappelé l'esprit de la Loi de Séparation de 1905, à savoir que ce sont les fonctionnaires d'Etat qui sont tenus à la neutralité, pas les usagers, à condition, bien sûr, que ceux-ci ne portent pas atteinte à l'ordre public. Le port du foulard ne devait pas empêcher de suivre les cours.

    Les partisans de la ligne d'un laïcisme radical ont pourtant bondi sur l'expression « ostentatoire » dudit rapport pour considérer que le hijab devait être considéré comme fauteur de trouble dans la mesure où il porterait atteinte à l'ordre public. Il était, au final, licite de l'interdire.

    Depuis, le ton s'est durci, avec par exemple la loi de 2004 (à l'époque où M. Chirac était Président) encadrant (c'est-à-dire interdisant) le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. En 2010, M.Sarkozy fait voter une loi sur la dissimulation du visage dans l'espace public. Récemment, l'actuelle majorité au Sénat a proposé une loi relative à l'application du principe de laïcité aux assistantes maternelles accueillant des enfants à domicile, les parents devant pouvoir avoir une « nounou » qui soit neutre sur le plan religieux.

    On retrouve ce durcissement dans l'article 14 de la présente charte : « Dans les établissements scolaires publics, les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, son respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. ».

    Pourtant, l'article 11 de la Charte rappelle avec raison (dans l'esprit de la Loi de 1905) que ce sont d'abord les fonctionnaires qui sont tenus à la neutralité : « Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l'exercice de  leurs fonctions. » L’extension d’une vision laïciste qui va des fonctionnaires aux usagers (ce que l’on peut expliquer avec l’histoire récente du pays) fragilise les bases institutionnelles sur lesquelles notre République est installée.

    L'évacuation des signes ou symboles religieux du milieu de l'école ne doit pas faire oublier que la religion, avant d'être une menace, relève d'abord de la culture. Ainsi le christianisme en particulier en France a-t-il contribué à construire ce que collectivement  nous sommes devenus ; de façon générale, la religion contribue toujours à façonner l'esprit d'un peuple. C'est pourquoi la religion doit aussi est comprise et entendue quand on lit l'article 7  de la Charte, à savoir que « la laïcité  assure aux élèves l'accès à une culture commune et partagée. »

    ***

    L'article 8  a déjà été évoqué ci-dessus.

    ***

    L'article 9 dit quant à lui que « La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l'égalité entre filles et garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l'autre. »

    Qui pourrait sans monstruosité s'opposer à un postulat si humaniste, si juste dans l'esprit ; « tous les hommes [les femmes avec !] sont nés libres et égaux » nous dit l’article 1 de la DDHC de 1789. L’égalité est aujourd’hui un fait culturel indiscutable. Cela est vrai à condition toutefois de ne pas confondre l’égalité avec l’uniformité. Considérer que les Citoyens sont tous égaux n’a jamais empêché de prendre en compte les différences effectives. Le « respect » et la non-discrimination, valeurs primordiales de la République, ne doivent pas être confondus avec le non-discernement qui pourrait confiner à l'inintelligence du réel.

    L'égalité entre filles et garçons ne doit pas forcément être comprise comme une identité absolue.  Si des savants peuvent discuter la question, le politique quant à lui ne saurait vouloir imposer une telle vision sans violer les articles 3 et 4 de la présente Charte ainsi que leurs présupposés institutionnels.

    ***

    L’article 10 dit qu’ « Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte à la connaissance des parents d’élèves. »

    Comprendre le sens et la valeur de la laïcité, c’est ce que nous faisons dans ce commentaire ; comprendre que la laïcité n’est pas la sécularisation (c’est-à-dire la disparition du religieux dans sa spécificité), c’est aussi ce que nous expliquons. Jamais la loi de 1905 n’a été une réponse au religieux par l’intransigeance. Nous pouvons remercier la sagesse de nos aînés qui n’ont pas cédé à cette tentation : il ne s’agirait pas de brader cet héritage.

    La République n’a par exemple jamais voté de loi contre le port de la soutane par les prêtres. Ce n’était pas par lâcheté, par compromission ou par laisser-faire ; c’est tout simplement parce que la Loi de séparation va dans le sens d’un laisser-être. Ainsi les prêtres ont-ils d’eux-mêmes fini par quitter la soutane.  Pour autant, cet exemple ne veut pas dire que, nécessairement, il faudrait que les prêtres catholiques en particulier et que les religieux en général se sécularisent : il y a de jeunes curés qui souhaitent aujourd’hui porter le signe distinctif du col romain. La République ne peut s’opposer légitimement à un tel souhait. Si c’était le cas, la lettre et l’esprit de la Loi de Séparation devraient être profondément remaniés.

    ***

    L’article 11 a déjà été mentionné.

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    Article 12 : « Les enseignements sont laïcs. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique.

    Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme. »

    Dire qu’aucun sujet n’est exclu du champ rationnel d’interrogation, c’est là rappeler une évidence. Même si la démarche rationnelle n’est pas, dans son essence ou dans sa finalité, religieuse, cela ne doit pas vouloir dire non plus que l’objet religieux devrait être exclu du champ possible d’interrogation et d’enseignement rationnels. Il s’agirait là d’une restriction arbitraire et irrationnelle.

    Par ailleurs, qu’un élève ne doive pas contester un cours sur la base de postulats religieux, cela s’entend puisque l’on n’est pas, quand on est à l’école, au catéchisme ou dans une école coranique. Toutefois, cela ne doit pas non plus vouloir dire qu’un enseignement, qui est toujours par essence relatif (relié à un professeur mais aussi, plus largement, à un état actuel des connaissances), soit absolument incontestable. Des postures théoriques (religieuses ou non dans leur inspiration) autres que celles de l’Enseignant ne doivent pas être interdites. Sinon, ce serait le sens même de ce qu’enseigner veut dire qui se trouverait radicalement remis en cause. Il faudrait, le cas échéant, ne plus parler d’enseignement mais d’endoctrinement (cette attitude n’étant pas l’apanage du religieux mais bien une possibilité pervertie de la transmission qui se ferait de façon autoritaire au point de nier la liberté de celui qui est enseigné).

    ***

    Article 13 : « Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’Ecole de la République. »

    Si tel était le cas, il faudrait alors vouloir suivre un enseignement religieux dans une école hors contrat ou à domicile.

    Même si l’Ecole de la République doit rester neutre, cette dernière ne doit pas empêcher la  liberté par laquelle les familles ou les individus pourraient vouloir ne pas forcément intégrer l’Ecole républicaine. L’Etat n’a pas à juger ce genre de décision (à condition que le niveau d’instruction légal soit assuré auprès des enfants). Si la République devait s’ingérer au cœur de la vie familiale ou individuelle, les articles 3 et 4 de la présente Charte seraient caducs. Si l’enjeu est de gérer les consciences jusqu’à l’intime, une approche intelligente de la laïcité serait alors définitivement perdue au profit d’une laïcité intégrale et intégriste, dictatoriale voire totalitaire.

    ***

    L’article 14 a déjà été mentionné.

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    Article 15 : « Par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement. »

    C’est parce que nous sommes très attachés au principe d’une laïcité vivante, souple et non pas figée, fermée,  intransigeante et  morte spirituellement que nous avons essayé de raviver l’esprit des lois de nos institutions en espérant que c’était bien cela qui venait animer cette Charte et non une lecture radicale erronée parce que nécessairement anti-républicaine. Une telle vision des choses aurait, au final, des conséquences mortifères et dramatiques pour notre pays.

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